Sur le texte de Guy Dana : L’analyse n’est pas une conversation – remarques, annotations et commentaires…
Nous avons eu la possibilité de lire et travailler un petite texte, signé Guy Dana, sur les modifications du « cadre », les changements, les différences, les difficultés – les modifications des modalités de transfert, etc. Bref, l’occasion de nous mettre au travail autour de changements sans doute nécessaires, à défaut, peut-être, d’avoir pu être pensés anticipativement. Quelles en sont les conditions de possibilités – et les conséquences ? Ceci est l’ébauche d’un débat autour de ce sujet, et de l’actualité de la psychanalyse…
Nous vivons une période curieuse, dite de « confinement », presque de réclusion, de sourde angoisse nécessairement impossible à saisir, et ce moment presque de suspens, d’écart avec ce qui fut notre norme ou notre ordinaire a poussé nombre de praticiens à interrompre ou à modifier tout un pan de leur pratique, puisque ledit confinement a réduit et modifié les conditions traditionnelles des séances de psychanalyse (ou de psychothérapie), parfois pour se centrer sur l’angoisse actuelle, à quoi répondent, à suivre Freud, les névroses actuelles. Je voudrais reprendre au plus près (mais je ne peux évidemment pas tout développer), parce qu’il me semble, avec tout le respect que j’ai pour lui, y compris dans cette circonstance où je pense sincèrement (1) qu’il a été un peu vite dans son analyse de la situation ! Cela dit, je le remercierais volontiers de s’être avancé dans les premiers (c’est toujours difficile!) et, dès lors, d’avoir – de nous avoir – permis un débat autour de ces modifications pratiques issues de l’actuel confinement ! Quel que puisse être le ton de mon propos, qu’il soit dit que je lui sais gré de sa démarche – et je ne lui jetterai aucune pierre ! Disons que sa réflexion m’aura permis de clarifier la mienne – ce qui est un cadeau estimable !
La première remarque que je voudrais formuler concerne ce qu’il dit de la présence de l’analyste (en relation avec les corps) en présence – ou pas. Je vous rappelle que cette notion de présence de l’analyste, Lacan en fait pratiquement un concept (pas tout à fait, tout de même…) dans le séminaire XI (2), où il en dit, le 11 mars 1964 (dans la version du Seuil, ça fait le titre d’un chapitre) :
… nous abordons les fondements de la psychanalyse, ceci suppose que nous y apportions, que nous apportions entre les concepts majeurs qui la fondent, une certaine cohérence. Cette cohérence ici se marque en ce que nous avons déjà pu sentir dans la façon dont j’ai abordé le concept de l’inconscient, dont vous pouvez vous souvenir que je n’ai pu le séparer de ce qu’on peut appeler la présence de l’analyste. « Présence de l’analyste », c’est un fort beau terme qu’on aurait tort de réduire à cette sorte de prêcherie larmoyante, à cette boursouflure séreuse, à cette caresse un peu gluante, qui l’incarne dans un livre qui a paru sous ce titre (3).
La présence de l’analyste est elle-même une manifestation de l’inconscient (4), de sorte que la façon dont elle se manifeste de nos jours, comme il a pu apparaître en certaines rencontres comme refus de l’inconscient, c’est une tendance – et même avouée – dans la pensée que formulent certains, ceci même doit être intégré dans ce concept de l’inconscient, et même vous donne l’accès le plus rapide à ce que j’ai mis au premier plan dans une formulation sans doute abrégée, mais ici l’abréviation même a sa portée qui est de vous le présenter d’abord comme essentiellement : ce mouvement, ce quelque chose du sujet qui ne s’ouvre que pour se refermer en une certaine pulsation temporelle.(5)
Il ne saurait donc être question de réduire cette « présence de l’analyste » à sa présence physique dans la séance ! Je fait remarquer également que Lacan reprend ça au moment où il introduit la question du regard comme objet @ ! Cela dit, à l’inverse, je ne dirais pas non plus que ça n’a rien à voir avec la présence physique – mais il faut nuancer. Cela relance également la question de savoir à partir de quel moment nous considérons qu’il y a « psychanalyse » : le divan est-il indispensable, par exemple ? Pour ma part, je répondrai ce que j’ai déjà dit, à savoir : non ! Il n’empêche que ce que le divan permet plus facilement (en tout cas), c’est que le corps réel (6) ne soit pas le support direct du fantasme de l’analysant ! À tout le moins, je pense que si l’analyse ne suppose pas nécessairement le divan, elle suppose qu’il n’y ait pas de face à face qui est toujours, c’est dans la langue, un affrontement, avec tous les effets imaginaires : quel que soit le dispositif (7), je dirais qu’il convient que l’analysant et l’analyste ne se situent pas dans des positions symétriques (8), à partir desquelles on pourrait alors effectivement poser la question de savoir ce qu’il en est par rapport à une position en miroir, c’est-à-dire soutenue presque uniquement par l’imaginaire : un clin d’œil, un sourire, un petit geste… sont autant de signes qu’il est difficile de remettre dans une position de signifiant. (Avec le rappel que le signe est ce qui veut dire quelque chose à quelqu'un – il y a un sous-entendu univoque – alors que le signifiant représente le sujet… pour un autre signifiant – c’est toute la question!)
Il reste que Dana a raison de préciser
... qu’un travail puisse se faire en dehors du cadre classique est une chose mais en cette période exceptionnelle le retour sur ce que permet ou ce que porte ce cadre dit classique peut avoir son intérêt.
Mieux que ça : il a tout son intérêt, c’est l’intérêt de intervention à la limite du cadre analytique, en institution par exemple. C’est l’intérêt qu’il y a à penser et repenser – et à mettre en partage des expériences autour de ce thème, parce que les pratiques, même – et surtout – celles qui peuvent se targuer de l’appellation « analytique » se doivent de rendre compte avec le maximum de rigueur de leur cadre ! C’est aussi le sens de l’existence d’une institution psychanalytique, de nous situer par rapport à ces différentes questions et de les mettre en débat.
Guy Dana poursuit en disant : « le téléphone est certes un moyen de poursuivre le travail engagé »… À partir de cette expérience marginale à laquelle je me suis astreint aussi, je dirais plutôt que le travail engagé est suspendu ; cela étant, un autre dispositif peut, peut-être, permettre qu’on en tienne le fil. Le confinement (9) nous a bel et bien mis en présence d’un réel, d’un impossible sur lequel – et là, la position, qu’on le veuille ou non, peut être symétrique – l’analysant et l’analyste viennent tous deux y buter ! Mais à tout le moins, question dispositif, l’analyste garde la main !
Je le répète : même si la question viendra se poser à nous, il ne s’agit pas (pour moi, en tout cas) de mener une cure par téléphone, dans la mesure où nous avons été contraints à un changement de cadre. Dans cette situation, je dirais qu’il s’est agi d’utiliser un outil dans une situation qui rend impossible (effet de réel) la continuation. Pour moi, les « séances » par téléphone ne sont que des relais, des ponts (10) qui permettent, là où la cure est en suspension, le passage d’une rive (un moment) à une autre (un autre moment) sans qu’il y ait (trop) de rupture, sans que les retrouvailles ne comportent nécessairement trop d’histoires événementielles qui rendraient la reprise de la cure selon le dispositif « ordinaire » trop compliquée !
bavardage et pas conversation…
Guy Dana nous dit :
"Commençons par cette idée que si la psychanalyse est bien une pratique de bavardage, elle n’est pas pour autant une conversation."
Je m’arrête toujours devant ce genre d’affirmation – et je m’y arrête systématiquement, parce que ça laisserait supposer que nous serions d’emblée en accord sur ce qui distingue, dans le langage vernaculaire (dans lalangue) et, qui plus est, dans celui de Lacan le bavardage de la conversation ! À y regarder de près, ce n’est malheureusement pas si simple : d’une part, il ne s’agit pas de conversation – certes, dans la mesure où on peut s’accorder (?) sur l’acception issue de l’étymologie, à savoir que « converser », c’est « vivre avec » ! On peut aisément pointer là le danger d’une intimité poussée trop loin – mais tout est dans le « trop », et dans son maniement ! Je n’irai pas, comme Didier Lestarquy, dire que « je ne me passe que rarement d’un moment de conversation », mais, en effet, j’y consens, parfois sinon souvent – et, bien entendu, sans maîtrise (qui voudrait dire manipulation), mais avec bienveillance, et en restant au maximum dans cette attention également flottante qui fait notre spécificité. Ça n’autorise pas l’analysant à entrer dans ma vie – mais ça me donne une autre perspective (cf. Oury, Winnicott, Pankow ou Maldiney) quant à sa manière d’énoncer la sienne. J’aime bien ce qu’en dit Didier Lestarquy, à savoir que « le processus de l’analyse … ne peut pas se passer du fait de parler [de quelle maîtrise s’agirait-il?], donc d’accepter certains moments de conversation » ; c’est-à-dire non pas que c’est nécessaire (il ne s’agit pas d’un point de technique), mais que c’est inévitable (il s’agit d’un point de réel) !
Revenons à la distinction, capitale ici, et que je vais essayer de remettre dans son contexte, tel que je l’ai entendu ; d’une part, je veux faire observer que, au fil des séminaires et conférences, Lacan, la plupart du temps, utilise le signifiant « bavardage » au sens ordinaire, à savoir avec la notion péjorative qui l’accompagne : « Action de parler longuement, familièrement, souvent pour ne rien dire; par métonymie, ensemble de paroles abondantes, souvent dépourvues d'intérêt. » (11)
Après avoir fait un relevé pratiquement exhaustif (il n’y a pas tant d’occurrences) de ce que Lacan dit au fil de son travail, à propos du bavardage ; on verra que ce n’est que tout à la fin qu’il distingue bien, par deux fois, dans une perspective fort intéressante, et qui va beaucoup plus loin, je trouve, que ce qu’en dit Guy Dana (dans un petit texte non fini qu’il a gentiment laissé mettre à notre disposition, répétons-le et rendons-lui cet hommage !) :
Du séminaire II (Le moi…) au séminaire XXV (Le moment de conclure), le ton péjoratif que connaît le terme dans son usage courant est toujours bien présent, et il n’utilise pas le terme autrement – ainsi, par exemple, dans le séminaire IX (l’identification), il dit, le 21 mars 1962 :
« Est-ce qu’il n’est pas possible que se conçoive une conduite à la mesure de ce véritable statut du désir, et est-ce qu’il est même possible que nous ne nous apercevions pas que rien, pas un pas de notre conduite éthique ne peut, malgré l’apparence, malgré le bavardage séculaire du moraliste, se soutenir sans un repérage exact de la fonction du désir ? »
Nulle prise de position, bien au contraire, sur la fonction du bavardage dans l’analyse !
En 1978, lors de la clôture des journées sur la transmission, alors que je dirais que Lacan y paraissait sensiblement déçu, sinon démoralisé, quant à la tournure que prenait son instrument d’enquête et de transmission, la passe, il dit encore :
« Je dois dire que dans la passe, rien n’annonce ça [i.e. le truc, la façon dont on guérit une névrose] ; je dois dire que dans la passe, rien ne témoigne que le sujet sait guérir une névrose. J’attends toujours que quelque chose m’éclaire là-dessus. J’aimerais bien savoir par quelqu’un qui en témoignerait dans la passe qu’un sujet – puisque c’est d’un sujet qu’il s’agit – est capable de faire plus que ce que j’appellerai le bavardage ordinaire ; car c’est de cela qu’il s’agit. Si l’analyste ne fait que bavarder, on peut être assuré qu’il rate son coup, le coup qui est d’effectivement lever le résultat, c’est-à-dire ce qu’on appelle le symptôme. »
Par contre, la conception la plus claire, au sens de ce que nous cherchons, dans l’optique de cette opposition bavardage – conversation mise en avant par Guy Dana se trouve, et c’est la seule occurrence dans ce sens, dans le séminaire XXV (12) :
[La psychanalyse] est une pratique de bavardage. Aucun bavardage n’est sans risques. Déjà le mot « bavardage » implique quelque chose. Ce que ça implique est suffisamment dit par le mot « bavardage ». Ce qui veut dire qu’il n’y a pas que les phrases – c’est-à-dire ce qu’on appelle les propositions – qui impliquent des conséquences, les mots aussi. « Bavardage » met la parole au rang de baver ou de postillonner. Elle la réduit à la sorte d’éclaboussement qui en résulte.
Il s’agit donc, dans cette perspective, de mettre le sujet en position de postillonner des mots – encore plus que des phrases. On en est tout mouillé ! J’en conclus (mais c’est peut-être une conclusion très personnelle) que, quand on se met à parler comme ça, à la cantonade, ça peut faire des éclaboussures dont on ne se rend pas compte et que ça a et que ça produit des effets – et ces effets vont clairement du côté de l’association libre.
Je pense que Lacan est ici particulièrement clair et précis, et qu’il ne suppose pas d’emblée que tous ses signifiants produisent le même sens (voire la même signification) chez tout le monde. Ce qui est vraiment intéressant, et c’est pourquoi je m’y suis attardé, c’est que, comme il emploie un signifiant ordinaire, bavardage, il le (re)-définit pour l’occasion, parce que qui13 aurait donné cette définition du bavardage, du côté du postillon et de la bave, acception pourtant tout à fait légitime, de faire baver la parole. C’est pourtant une acception qui est non seulement légitime étymologiquement14, mais qui se retrouve, par exemple, dans l’usage argotique qui désigne un avocat par : un bavard ou un baveux.
Dans la conversation, ce n’est pas du tout de ça qu’il s’agit : « converser » veut dire, étymologiquement, vivre ensemble. Donc : j’en conclus, pour notre discussion, qu’il s’agit bien d’une question de cadre, et de la nécessité de maintenir une distance, une juste distance qui permet de maintenir la disparité subjective évoquée par Lacan15, et évite que la séance d’analyse (et même le coup de téléphone) ne soit une manière de vivre ensemble, mais par contre, comme le dit très joliment Lacan (repris là-dessus par Oury), qu’il s’agit de rester disponible aussi aux postillons signifiants de l’analysant, dans ces moments singuliers de l’entre-deux des séances.
Remarquons que là où les choses pourraient déraper dans le sens d’une conversation entre deux petits autres pris dans une situation transférentielle confuse (la conversation au sens du vivre avec), ce serait le si on disait « on se téléphone », juste par convivialité ; ou si le (soi-disant, alors!) analyste téléphone lui-même pour prendre des nouvelles ; là, mais à ce moment-là seulement, on glisse (dangereusement) vers la conversation, au sens du vivre avec, de la position équivalente, symétrique, en miroir.
Soulignons encore, avec Guy Dana cette fois, cette remarque de Lacan que « l’analyste peut bien répondre de la place où il veut, il ne veut rien qui détermine cette place. »16 Ainsi, il est nécessaire de se garder de généraliser trop vite. Je pense qu’à être soigneux sur des consignes claires, il y a parfaitement (ce qui ne veut pas dire simplement) moyen que la mise en place d’une orthèse à ce qui devient boiteux du fait d’une situation extérieure bouleversant les données (et, en particulier, les interdits!) puisse se faire sans dommage à long terme pour la reprise puis la continuation d’une cure, parce que pour moi, la cure est suspendue. – Cela n’empêche pas des aménagements, mais tout aménagement du cadre exige à la fois de la prudence et de la réflexion, et également qu’on soit capable de le mettre à la réflexion avec d’autres ; pas « seul », en tout cas…
Pratiquement, je vais tenter de préciser un peu ma position, au sens des options que j’ai choisies dans cette période très particulière qui nous oblige à bousculer notre cadre et à nous laisser bousculer. Ainsi, de la manière dont je procède, parfois17, j’essaye de garder au maximum un cadre reposant très clairement sur la distinction des places : ce n’est pas moi qui propose la communication téléphonique en tant que telle, mais il m’arrive de dire que je reste à disposition, au moment de la séance [et pas à n’importe quel moment] ; de même, je n’impose pas de « rendez-vous », j’attends que l’analysant le propose. Les séances restent bien évidemment payantes et jamais il n’est question d’entretiens « vidéo » ? Pour moi, cela n’aurait pas de sens, sinon celui d’être appendu au regard. Que certains analysants en aient besoin (?) pour des séances qui ne sont dès lors pas « sur le divan » (tout en n’étant pas non plus en « face à face », quelle drôle d’idée!), pourrait être une raison non pas pour que je passe à la vidéoconférence, mais pour que je suspende simplement le travail – ça s’est produit pour deux personnes, d’ailleurs, dont l’une m’a retéléphoné pour me demander si on pouvait se donner rendez-vous… pour un coup de téléphone ! On a donc repris… des entretiens téléphoniques – qui ne se substituent pas à des séances d’analyse, mais peuvent être considérés comme suppléance à l’impossible d’en tenir des « ordinaires »
D’autre part, je n’ai pas du tout la même expérience que Guy Dana, et je n’ai eu que très peu (pour ne pas dire « pas ») de patients qui ressentent à tel point le risque de la conversation…
qu’ils refusent catégoriquement toute idée d’une poursuite par téléphone comme si une forme de proximité se mettait en place ; ils veulent garder des distances et le téléphone leur paraît en ce sens dangereux car il contient le risque d’une conversation ou ce qu’ils ressentent comme tel, c’est-à-dire le signe d’une proximité trop précoce.
… sans doute parce que je ne le présente pas de la même manière : de la manière dont il le formule, on dirait presque que c’est Guy Dana qui demande ça ? Ne peut-on imaginer alors que certains de ses patients (sans que ça enlève la possibilité à d’autres chez d’autres analystes – dont moi aussi) ressentent bien trop fort son désir de continuer sous cette forme ? En tout cas, personnellement, je considère que, de toute façon, il y a suspens du travail ordinaire. La mise en place d’entretiens téléphoniques (j’ai du mal avec le signifiant policier « écoute téléphonique »!) n’est là que dans la mesure où le patient désire ne pas rompre le fil en patientant, c’est le cas de le dire, jusqu’à la reprise…
Dana souligne cette remarque de Lacan que « à la fin de l’analyse sans doute peut-on parler d’une conversation et c’est le constat qu’invite à faire Lacan dans une séance du séminaire sur les psychoses »… Je pense encore que, ici, il va trop vite – ne fût-ce qu’en supposant que chacun peut tout remettre complètement en place dans Lacan… En tout cas, cette remarque, Lacan la fait quand il cherche à situer les positions de l’analyste et de l’analysant sur ledit schéma L (18) :
Quand le sujet commence l'analyse… comme je le disais schématiquement dans les temps archaïques des séminaires …le sujet commence par parler de lui.
Quand il aura parlé de lui… qui aura sensiblement changé dans l'intervalle …à vous, nous serons arrivés à la fin de l'analyse.
[…] Cela veut dire que l'absence de l'analyste en tant que moi, car l'analyste si nous le plaçons maintenant dans ce schéma… qui est le schéma de la parole du sujet …nous pouvons dire : qu'ici l'analyste est quelque part en A.
Et que, la position étant strictement inversée, nous avons ici le a', là où l'analyste pourrait parler, pourrait répondre au sujet : - s'il entre dans son jeu, - s'il entre dans le couplage de la résistance, - s'il fait justement ce qu'on lui apprend à ne pas faire, ce qu'on essaie tout au moins de lui apprendre à ne pas faire, …c'est là donc lui qui serait en a'.
C'est ici, c'est-à-dire dans le sujet, qu'il se verrait de la façon la plus naturelle, c'est à savoir : s'il n'est pas analysé, cela arrive de temps en temps…
Je dirai même que d'un certain côté l'analyste n'est jamais complètement analyste, pour la simple raison qu'il est homme, c'est-à-dire qu'il participe lui aussi aux mécanismes imaginaires qui font obstacle au passage de la parole du sujet [ S → A ].
C’est très précisément en tant qu'il saura : - ne pas s'identifier au sujet, - ne pas entrer dans la capture imaginaire, - c'est-à-dire ici être assez mort pour ne pas être pris dans cette relation imaginaire …que là il saura… à l'endroit où sa parole est toujours sollicitée d'intervenir …ne pas intervenir… (19)
Je suis désolé d’une aussi longue citation, mais c’est que je n’ai pas eu le temps pour mieux décortiquer ça – et que je ne voulais pas, fût-ce parce que c’est un peu ça que je reproche à Guy Dana, à savoir dans la précipitation, travestir la position de Lacan tout en m’appuyant sur celle-ci… donc je vous la livre en entier – mais je sais qu’il me reste aussi à la digérer mieux (?) En tout cas, j’ai l’impression qu’à trop nous encourager à, justement, ne pas nous laisser prendre dans cette relation imaginaire que Dana, précisément, y tombe, et j’ai l’impression que son désir est un peu trop engagé dans la poursuite de la cure…
En d’autres termes, peut-être est-ce lui qui n’est pas assez mort pour ne pas être pris dans cette relation imaginaire dont il nous met, fort opportunément, en garde : comment expliquer sans cela qu’il nous annonce qu’il s’ennuie dans ces « cures » (je tiens aux guillemets) : peut-être est-ce à ne pas être assez mort qu’il a de la peine – il le dit presque de lui-même, en tout cas, et j’aime sa formule : « il s’agit de cadavériser sa position. »
Il y a certes encore beaucoup de choses à dire – et, en particulier, à laisser une place plus importante au débat et, par exemple, au travail de Didier Lestarquy, dont il serait intéressant, à tout le moins, de retravailler les références à Oury, à l’être-là de la présence – c’est-à-dire au Dasein de l’analyste ; en référence aussi, au oooo-aaaa, au fort-da, qui joue aussi de la (pulsion de) mort et de la présence sur fond d’absence – et réciproquement…
Ceci aura-t-il eu l’heur, le bon heur de rencontrer votre intérêt – sinon votre indulgence ? On aura, je l’espère, l’occasion d’en reparler…
– printemps confiné 2020 – version du 5 mai
Notes
1 À l’instar de Didier Lestarquy, un collègue qui a également commenté le texte, d’une manière aussi critique que moi !
2 Je n’avais pas mon exemplaire papier à l’endroit où j’ai écrit – je me réfère à la version Staferla (internet en tout cas), qui en diffère peu, pour ce dont je me souviens, d’autant que le XI est le premier séminaire publié, et donc aussi, c’est un choix de Lacan, c’en est un qu’il aura pu relire et corriger ! (ce qui n’est pas rien, au regard d’autres… voire de retenues, censures, etc. Vous connaissez ça au moins autant que moi!)
3 Référence à un livre de S. Nacht : La Présence du psychanalyste, PUF, 1963
4 C’est moi qui souligne, MD
5 Version internet, p66
6 Cf. (entre autres) le livre de Gisèle Chaboudez, Ce qui noue le corps au langage …
7 Pour ne pas reprendre le signifiant « setting », utilisé par Guy Dana – qui me paraît moins pertinent.
8 Rappelons-nous le titre du séminaire de Lacan : le transfert – dans sa disparité subjective et les principes de son pouvoir…
9 Partiel pour le travail thérapeutique, puisque les soins n’ont pas été totalement confinés.
10 Je dois cette métaphore très juste à une jeune analyste.
11 Dictionnaire en ligne CNRTL
12 Séance du 15 novembre 1977
13 Ce n'est pas ce qui m'est passé en tête en premier, en tout cas, je l’avoue !
14 Étymologiquement, « bavard » est bien l’équivalent de « baveux » – et tous deux viennent de « bave »…
15 C’est une des raisons pour laquelle Freud a instauré et maintenu la tradition du divan…
16 Lacan : Écrits p,349 Variantes de la cure-type, Le Seuil
17 Je ne suis pas certain de pouvoir donner un contenu précis à ce parfois : entre autres, qu’est-ce qui fait que parfois pas ?
18 Je reprends tout le passage, mais de manière lacunaire et sans ici reproduire tout le schéma L ; reportez-vous y si vous le souhaitez…
19 Lacan reprend ça aussi dans ses Écrits, p373 : « On reconnaîtra là la formule par où nous introduisions dans les débuts de notre enseignement ce dont il s'agit ici. Le sujet, disions-nous, commence l'analyse en parlant de lui sans vous parler à vous, ou en parlant à vous sans parler de lui. Quand il pourra vous parler de lui, l'analyse sera terminée. »
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